Description

Le but du GDR BioComp est de faciliter les échanges interdisciplinaires en France autour d’un but commun : la réalisation de systèmes matériels bio-inspirés.

Nous cherchons à comprendre les mécanismes à l’œuvre dans les systèmes biologiques pour créer de nouveaux types de puces basées sur le calcul naturel, notamment neuromorphique, mais aussi inversement, à construire des architectures matérielles spécialisées d’hybridation biologique/artificiel pour mieux comprendre la biologie. Il existe en France un vivier de compétences dans toutes les disciplines concernées par les implémentations matérielles du calcul naturel : biologie, psychologie cognitive, neurosciences computationnelles, mathématiques, informatique et architecture des systèmes de traitement de l’information, microélectronique, nanotechnologies et physique. Fabriquer des puces bio-inspirées est complexe et demande de réunir des compétences de pointe dans toutes ces disciplines. En organisant des journées et colloques interdisciplinaires, notre but est de faire se rencontrer les différentes communautés afin qu’elles apprennent à se comprendre et à travailler ensemble. En plus de l’interdisciplinarité, l’un des plus grands défis auquel doit se confronter le chercheur souhaitant participer à la conception et à la réalisation d’un système bio-inspiré est le foisonnement de ce domaine émergent. A tous les maillons de la chaine des choix doivent être effectués parmi les multiples possibilités: quel modèle choisir ou inventer, quel système construire, quels matériaux utiliser pour cela ? Notre objectif est à la fois d’explorer les approches les plus prometteuses pour l’implémentation efficace du calcul naturel et de concevoir ces systèmes bio-inspirés sur différents substrats technologiques.

Contexte

Le cerveau, et les systèmes biologiques en général, sont capables d’effectuer des calculs haute performance avec une efficacité bien supérieure à celle de nos ordinateurs les plus puissants, et ce très rapidement et avec une très faible consommation énergétique. Cette constatation n’est pas nouvelle, et depuis longtemps les scientifiques de nombreuses disciplines ont reconnu les performances du calcul naturel, et cherché à en comprendre les mécanismes ainsi qu’à l’imiter artificiellement, en particulier à l’implémenter matériellement. Ce qui est nouveau, c’est le contexte actuel qui pourrait permettre, à condition d’un effort coordonné et interdisciplinaire, des avancées spectaculaires dans ce domaine il y a peu considéré comme stagnant. En effet des résultats en rupture ont été récemment obtenus dans les différentes disciplines intervenant dans la conception et la réalisation matérielle d’architectures de calcul naturel, et ce, dans un contexte industriel favorable à l’apparition de nouveaux modèles de traitement de l’information.

Les neurosciences, en particulier computationnelles, sont en plein essor, et le XXIème siècle est souvent qualifié de « siècle du cerveau ». Des progrès considérables ont été notamment obtenus dans la compréhension du fonctionnement du cortex visuel, et du rôle des différentes couches neuronales qui le composent. Ces résultats ont inspiré informaticiens et mathématiciens et donné lieu à la création d’algorithmes de calcul bio-inspirés ultra-puissants, tels que les réseaux profonds (« deep learning »)[1]. En parallèle, les progrès récents en nanotechnologies et science des matériaux permettent enfin d’envisager de concevoir et construire des réseaux ultra-denses de nano-composants multifonctionnels tout CMOS ou hybrides, bientôt en trois dimensions, ne pâlissant pas devant la complexité des systèmes biologiques.

En trame de fond, l’industrie de la microélectronique doit aujourd’hui relever de nombreux défis. Le plus grand est de continuer à augmenter les performances de calcul de nos ordinateurs tout en maîtrisant leur consommation énergétique. L’échauffement lié au fonctionnement des processeurs met non seulement en péril leur efficacité, mais pourrait de plus, si la tendance actuelle se poursuit, créer une pénurie énergétique. Les technologies de l’information et de la communication consomment près de 10 % de l’énergie générée dans le monde entier et le « cloud » représente le 5e « pays » le plus consommateur en électricité après les USA, la Chine, la Russie et le Japon[2]. Ces problèmes de dissipation thermique ont déjà depuis 2005 incité les industriels à prendre un tournant important : cesser d’augmenter la fréquence d’horloge des processeurs pour se tourner vers des architectures multi-cœurs. Le nombre de cœurs augmentant, ces architectures sont de plus en plus parallèles. Enfin, la miniaturisation des composants va inexorablement mener à l’apparition de défauts qui ne pourront être évités, ainsi qu’à des rapports signal sur bruit de plus en plus faibles. Les problématiques des industriels rejoignent donc celles des biologistes, des neuroscientifiques, des concepteurs de circuits bio-inspirés : calculer efficacement (ou comprendre comment la nature parvient à calculer efficacement) avec des systèmes ultra-parallèles, asynchrones, bruités et avec des composants souvent défectueux !

[1] Q. V. Le, M.-A. Ranzato, R. Monga, M. Devin, K. Chen, G. S. Corrado, J. Dean and A. Y. Ng, “Building High-level Features Using Large Scale Unsupervised Learning,” ICML, 2012

[2] http://www.tech-pundit.com/wp-content/uploads/2013/07/Cloud_Begins_With_Coal.pdf

Enjeux

De plus, les enjeux de l’implémentation matérielle du calcul naturel sont considérables. Parvenir à réaliser des systèmes bio-inspirés sur puce, haute performance et faible consommation donnerait lieu à des applications en rupture dans de nombreux domaines, et pourrait même révolutionner notre mode de vie.

Tout d’abord, des accélérateurs bio-inspirés pourraient venir idéalement complémenter nos processeurs séquentiels pour réaliser certaines tâches efficacement et à faible cout énergétique[1]. Par exemple les réseaux de neurones artificiels sont des algorithmes très performants et compétitifs pour tout ce qui est reconnaissance, classification et recherche de données. Ces applications sont cruciales, comme l’a noté Intel[2], car nécessaires pour gérer les masses de données numériques générées chaque jour (« big data »). Des puces bio-inspirées, implémentant à faible coût énergétique ces algorithmes, pourraient ainsi ajouter un degré d’intelligence supplémentaire à nos ordinateurs classiques, nos terminaux mobiles ou aux « datas centers ». Témoignent de l’intérêt de cette approche les efforts actuels de compagnies de plus en plus nombreuses pour construire des puces neuromorphiques (ex : IBM, Hewlett-Packard, Qualcomm) ou pour développer et utiliser des algorithmes bio-inspirés (ex : Google, Yahoo).

En médecine, les puces bio-inspirées sont très prometteuses puisqu’elles pourraient venir suppléer à des fonctions humaines défectueuses avec une faible consommation énergétique, ce qui est indispensable pour s’interfacer harmonieusement avec le vivant. Beaucoup de progrès ont été réalisés récemment, notamment pour la vision.

Enfin les applications à la robotique, ainsi qu’aux véhicules autonomes apparaissent évidentes. A plus long terme, il est même envisageable d’utiliser les réseaux de neurones matériels comme plateformes de simulation du cerveau, pour remplacer de façon avantageuse en terme de rapidité et de consommation énergétique les simulations actuellement menées sur les super-ordinateurs. C’est d’ailleurs l’un des buts du projet Flagship européen Human Brain Project (HBP), même si ce dernier s’intéresse peu à l’apport des nanotechnologies émergentes.

[1] Olivier Temam, “The Rebirth of Neural Networks”, International Symposium on Computer Architecture (ISCA), June 2010.

[2] P. Dubey, “Recognition, mining and synthesis moves computers to the era of tera,” Technology Intel Magazine, vol. 09, 2005.

Objectifs du GDR BioComp

Structurer la communauté autour d’un objectif commun

Il existe en France et au CNRS un vivier de compétences dans toutes les disciplines concernées par les implémentations matérielles du calcul naturel : biologie, neurosciences computationnelles, mathématiques, informatique et architecture de systèmes informatiques, microélectronique, nanotechnologies et physique, et de nombreux scientifiques sont extrêmement motivés par ces approches bio-inspirées. Le but du GDR est de structurer cette communauté autour d’un but commun : la réalisation matérielle d’architectures de calcul naturel haute performance et faible consommation, afin que la France soit non seulement pionnière, mais aussi un acteur majeur de cette révolution qui se dessine. Il s’agira de comprendre les mécanismes à l’œuvre dans les systèmes biologiques pour créer des puces basées sur le calcul naturel, mais aussi inversement, de construire des architectures matérielles comme systèmes tests pour mieux comprendre la biologie.

De la multidisciplinarité à l’interdisciplinarité

Fabriquer ces puces bio-inspirées extrêmement complexes demande de réunir des compétences de pointe dans toutes les disciplines requises. Pour ce, il est absolument nécessaire de non seulement faire se rencontrer, mais aussi décloisonner les disciplines. Une des clés de la compétitivité sera la connaissance qu’auront les acteurs d’une discipline des possibilités que peuvent lui apporter les autres disciplines et de la rapidité à identifier les bons interlocuteurs dans les autres domaines. Le deuxième objectif du GDR sera donc, outre bien sûr de rassembler la communauté, de la faire passer d’un fonctionnement multidisciplinaire à un mode d’opération interdisciplinaire. Ceci va de pair avec la formation d’une nouvelle génération de jeunes chercheurs qui saura naviguer à ces interfaces scientifiques.

Identifier les approches les plus prometteuses

En plus de l’interdisciplinarité, l’un des plus grands défis auquel doit se confronter le chercheur souhaitant participer à la conception et à la réalisation d’un système bio-inspiré est le foisonnement de ce domaine émergent. Prenons par exemple le modèle de calcul : savoir lequel choisir, quelle approche sera la plus efficace pour telle ou telle application n’est pas évident, et parfois la réponse n’existe pas encore. En effet, il existe de nombreux types de systèmes de calcul bio-inspirés. Quand le niveau de granularité est fixé au niveau de la cellule, on parle d’architecture neuromorphique, ou de réseau de neurone artificiel. Mais il est également possible de placer le curseur à de toutes autres échelles, et de considérer par exemple les mécanismes de signalisation moléculaire comme des systèmes probabilistes de traitement de l’information. Rien qu’au niveau des réseaux de neurones, les modèles sont multiples, suivant le type de neurone envisagé (à impulsion ou non), la loi d’apprentissage utilisée etc. A l’autre bout du champ disciplinaire, en nanotechnologies par exemple, le choix est tout aussi ouvert. Les circuits peuvent être réalisés en tout CMOS, ou encore en hybridant CMOS et nouveaux composants, le champ du choix des composants étant encore une fois immense. Par exemple pour fabriquer les memristors, ces composants permettant d’émuler une synapse à l’échelle nanométrique, des matériaux et effets physiques très différents sont possibles, et savoir quelle implémentation est la meilleure est une question loin d’être résolue. Le troisième objectif du GDR sera donc d’identifier les approches les plus prometteuses parmi ce foisonnement de possibilités.

Fabriquer des puces bio-inspirées

Le but final du GDR est la réalisation pratique de puces bio-inspirées. Mais pour des raisons de coûts et de moyens, les partenaires académiques du GDR seront en général limités à la réalisation de petits systèmes et à la simulation de systèmes taille réelle. En particulier, la co-intégration de nouvelles technologies de nano-composants sur un circuit CMOS demande une implication forte d’un industriel disposant d’une fonderie. Le quatrième objectif du GDR sera donc d’impliquer fortement les acteurs préindustriels et industriels. Pour motiver ces derniers, la stratégie sera double. Le GDR permettra : 1) de réunir un ensemble d’avancées tangibles sous forme de petits prototypes et de simulations établissant leurs performances à grande échelle 2) de sensibiliser les industriels aux enjeux du domaine et de favoriser la discussion entre partenaires publics et privés.

Appels à projets

Enfin de façon plus pragmatique, le dernier objectif du GDR sera, grâce justement à la structuration de la communauté, d’engendrer de nouveaux projets français et internationaux, ainsi que de répondre efficacement aux appels d’offre européens H2020, et en particulier à ceux générés par le FET Flagship Human Brain Project (HBP) et ceux relatifs à la primauté industrielle.